Le chantier de Clothilde

Le Chantier de Clothilde est un projet collaboratif sur la notion d’habiter: habiter dans un lieu où les fantasmes de l’imagination se matérialisent, habiter un monde intérieur, habiter un processus de création. Tout part de moi, Clothilde, une marionnette qui s’interroge sur sa place dans le monde, dans la vie et dans l’art, à l’instar de son double géant, l'artiste Julie-Isabelle Laurin. Clothildland est aussi un musée qui expose le travail d’artistes qui s’intéressent au performatif, à celles et à ceux qui travaillent in situ ou dont les œuvres sont les témoins de rencontres, des subterfuges, des canaux de communication, des traces. Tout ce qu’on voit dans le chantier raconte une histoire. En s’y promenant, physiquement ou virtuellement, on passe d’un objet à l’autre comme d’une image mentale à l’autre, dans les méandres d’une mémoire collective: tout est là pour garder cette mémoire vivante. Voici ce qu'il s'est passé entre le 7 février et le 28 mai 2020.

 En descendant à Montréal, Roger, un nomade et ami performeur, m'a rapporté toutes mes choses qui étaient à Alma où j'avais habité pendant la durée de l'exposition Les bâtisseuses et les bâtisseurs d'invisible. C'était comme si je déménageais alors ensemble on a placé mes choses pour que je sois bien, je me suis installée dans mon nouvel espace à Gham et Dafe. Il y avait aussi les objets fabriqués pour L'Écrin et la maison d'enfance de Julie-Isabelle qu'on a fait cohabiter avec le reste. 


Ensuite, j'ai eu la visite de Anne. On a eu plein d'idées de ce que j'aurais besoin! Il faut savoir qu'Anne et moi sommes de bonnes amies, parce qu'on a passé un séjour en Gaspésie au couvent où habite la tante de Anne. On a pas pu réaliser toutes nos idées mais Anne a commandé des graines pour me faire un vrai petit chapelet qu'on va pouvoir planter au printemps. Je suis chargée de trouver des petits haut-parleurs pour que je puisse écouter les chants des religieuses que Anne avait enregistrés pendant notre voyage. Avant de partir, elle m'a composé un poème avec son kit de mots aimantés.
Nicole se souvenait du costume de Julie-Isabelle à l'occasion du Monument performatif.  Elle avait envie de me faire une robe d'été inspirée du costume, avec un chapeau de fourrure et une petite queue à l'arrière de la robe. Julie-Isabelle s'est chargée du chapeau. Ça a fait du bien parce que ça faisait un an que je portais le même manteau! Nicole a aussi fait des patrons de petits animaux en peluche étranges mais on a pas eu le temps de les faire.

Claudel avait remarqué la version miniature de L'Excavatrice qui était dans mon chantier. J'ai été vraiment ravie lorsqu'elle a suggéré que j'aurais besoin d'un endroit pour creuser et trouver des petites bébelles-ordures. Elle a proposé d'aller cueillir de la terre sous le viaduc de la rue Ste-Catherine et de la ramener dans mon chantier. Sur notre chemin, on ramassé les petites bébelles-ordure qu'on a inclues dans le gros tas de terre. Notre promenade à l'extérieur était ponctuée par l'imagination débordante et le sens d'observation aiguisé de Claudel dans un quartier qu'elle connaissait bien. 

J'ai invité Jacqueline à prendre le thé dans ma nouvelle vaisselle de New York.  Comme le veut la tradition du thé nous avons discuté de tout et de rien et mangé quelques gâteries. C'était notre première rencontre, c'est important de s'apprivoiser l'une et l'autre avant d'aller plus loin. Les miettes dans les assiettes et les taches de thé dans les tasses était tout ce qu'il restait de son passage. 
Maggy a été attirée par ma boîte aux lettres rouge et spontanément elle a eu l'idée de m'inventer un amant. Je l'aurais rencontré dans mon voyage en Gaspésie. Il s'appelle Ambrozy et il vit à Poznan, en Pologne. J'ai reçu une carte postale de lui puis je lui ai envoyé une lettre. Elle m'a aussi fabriqués quelques dossiers que l'on remplira avec la participation d'autres ami.es.
Catherine est venue avec Anouk, sa belle-fille de 17 ans. Elles ont joué le rôle de mes gestionnaires d'image. Anouk m'a enfin créé un compte Instagram et on a fait une vidéo promotionnelle qui servira d'invitation à ma fête d'anniversaire. Catherine m'a apporté quelques lectures féministes (Les fées ont soif de Denise Boucher, Aux Plexus de Marjolaine Beauchamps et Électre de Giraudoux) et des hauts-parleurs qui pourront éventuellement accueillir la playlist de mon party (et les chants des religieuses de Anne).
J'ai rencontré Laetitia dans le petit salon de L'imprimerie: elle voulait me faire la lecture alors on a trouvé un endroit tranquille. Elle et moi avions apporté toute une sélection de livres et nous avons lu à tour de rôle les mots de Samanta Schweblin, Valeria Luiselli, Carole Martinez, Marjolaine Beauchamp (suggestionn de Catherine) et Paul Auster. Laetitia avait fait plein de petits livres pour moi, nous avons rempli les pages blanches en s'inspirant des lectures et Laetitia m'a montré sa technique de pliage pour les petits livres.
Nous avons assemblé un journal, c'était juste avant la quarantaine...
Les jours ont passé, je ne suis pas retourné à l'atelier et j'ai annulé toutes mes rencontres ainsi que ma fête d'anniversaire. Je ne sors plus beaucoup de la maison, heureusement Florencia a proposé de se rencontrer à distance, ce qui a provoqué quelques étincelles dans l'obscurité. Florencia a commencé à me faire un tapis, elle n'avait pas ses fils doux qui sont restés à son atelier mais elle a utilisé de la corde de jute. On trouvait que ça ressemblait à une paillasse pour mettre devant ma porte, ce sera comme une île dans mon chantier.
J'ai osé retourner à l'atelier et j'ai avancé quelques idées entamées au début du confinement en collaboration avec Jonathan. Il voulait m'offrir une photographie, une de mon excavatrice miniature avec ma botte que nous avions prise lors d'une excursion en ski de fond. J'ai pensé qu'une affiche comme on en voit sur les autoroutes serait le lieu idéal pour l'exposer. J'ai fabriqué la pancarte et Jonathan s'est lancé dans la fabrication d'une échelle pour que je puisse grimper et m'asseoir pour regarder la vue de Clothildland
J'en ai eu marre du confinement alors je suis partie faire une série de visites à mes ami.es. Il faut dire que mes séjours en cabine de téléportation m'ont immunisée contre le virus. Anne a accepté de m'accueillir quelques jours. On a eu tellement de plaisir, je me suis même faite de nouveaux amis comme Jiwan, Pablo, Arnaud, Radostina, Marick et les jumeaux. Nous avons chanté le Daimoku, c'est une méditation, j'ai joué de la guitare et j'ai jardiné avec Anne.
J'ai même fait la rencontre de Victoria. Nous avons discuté à trois, c'est elle qui nous a montré à chanter le Daimoku!
Comme je suis en voyage, j'ai eu le goût d'envoyer plein de lettres à mes ami.es. 


Merci à
Mélissa Corbeil et Manek
Mariane Tremblay et Gabriel Fortin
Camille Brisson
Sylvain Bouchard
Radostina Ivanova-Raycheva et Pablo Bérubé-Montanchez
Eric Robertson
Anne Bérubé
Laetitia de Coninck
Maggy Flynn
Victoria Stanton
Jiwan Park
Caroline Boileau, Stéphane Gilot, Adrien Gilot
Nicole Panneton
Roger Langevin
Catherine Lalonde-Massecar
Anouk Savard
Jonathan Miron-Roy
Florencia Sosa-Rey
Ileana Hernandez
Jacqueline Van de Geer
Rose de la Riva
aux travailleuses de l'Imprimerie
les élèves de l'école Notre-Dame