Humanimales prend la forme d'une résidence de création à Rawdon, au parc des Chutes Dorwin, le long de la rivière Ouareau. Nous avons vécu et créé ensemble pendant une semaine, en se contaminant de manière bio-idéologique. Nous visons à devenir avec les espèces vivantes, l’inanimé, le territoire, les humanimales. Devenir avec ça veut dire se laisser transformer. Les artistes humanimales sont Helena Martin Franco, Malorie Y. Picard, Julie-Isabelle Laurin (aussi commissaire du projet), Nicole Panneton et Félipe Goulet Letarte (auteurice invitéx). En collaboration avec Art Partage et avec le soutien du CALQ et de la ville de Rawdon.
Ça a commencé par un pique-nique sur une nappe, pour se rencontrer, faire et refaire connaissance. Puis la nappe, au long de notre semaine de résidence est devenue sacrée, un moment pour se rencontrer à la fois dans notre cohabitation quotidienne et dans la performance. Un espace où la trace-tache est accueillie, même souhaitée. Des offrandes pour la nappe: une salade de melon d'eau, des capuchons de fraises, une tarte aux poires et amande, une poutine mangée dans des assiettes trop petites, un mille feuille qu'on écrase pour en imprimer le motif. Devenir avec, se contaminer soi et son environnement, laisser l'énergie circuler et se laisser transformer.
Humanimal.es est un terme inspiré de la pensée de Donna Haraway, décrivant une vision non-binaire de l’humain.e et de l’animal.e qui deviennent l’un.e dans l’autre, des espèces compagnes sans rapport de domination. De même, le concept de natureculture remet en question la séparation traditionnelle entre la nature et la culture, à l’origine de déséquilibres dans notre écosystème, que nous vivons aujourd’hui dans une ère géologique dite anthropocène ou capitalocène. Avec ces idées en tête, les artistes-humanimales seront invitéxs à travers leurs projets, à raconter des histoires qui ne sont pas centrées sur l’humain mais plutôt en sympoiesis, c’est-à-dire une création qui se fait ensemble (par opposition à autopoiésis). Ainsi, la résidence de création se construira de manière collective, avec les espèces vivantes, avec le non-vivant, avec le territoire, tout ça sans hiérarchie entre les choses. Tendre vers cette expérience signifie déconstruire notre façon de se percevoir soi-même, en laissant la place aux contagions et aux infections, blessant le narcissisme primaire de celleux qui rêvent encore d'un exceptionnalisme humain, pour reprendre les mots de Donna Haraway. (Quand les espèces se rencontrent, 2021)
- texte de Julie-Isabelle Laurin, artiste-commissaire